Formé à l’ébénisterie, Anton Laborde, lauréat du Prix de la Jeune Création Métiers d’Art 2022, organisé par Ateliers d’Art de France révolutionne à sa façon le cadre de la marqueterie, sa fonction et ses motifs. Une pratique où les souvenirs de son enfance en Inde insufflent une liberté vivifiante.
Ce sont des paysages de jungle où des femmes au profil rêveur glissent en canot au fil d’une rivière, où un renard écoute le maître dans un décor voluptueux de banians et d’iris. Des paysages révélés par des meubles aux contours très doux. Voilà ce qui caractérise Anton Laborde dans son travail d’ébéniste marqueteur : une grande liberté des formes et une haute précision de la technique.
Ce goût pour l’exotisme vient de son enfance en Inde où Anton a passé cinq ans, dans la cité expérimentale d’Auroville, entre une autonomie sans pareille et la recherche d’un cadre. « Initié à l’ébénisterie dès l’âge de 14 ans par un maître japonais, j’ai ensuite rejoint la France pour suivre les Compagnons du Tour de France, avant de m’arrêter à Bordeaux où j’ai ouvert mon atelier. »
Quand il découvre la marqueterie des XVIIe et XVIIIe siècle grâce à des ouvrages, c’est une révélation : « La marqueterie avait cette force et cette lumière que je recherchais. Mais elle est discrète dans le mobilier traditionnel. Je voulais en faire un médium artistique à part entière, la hisser à la hauteur des yeux, en grand format. »
Pour donner corps à ses meubles, il a dessiné tout un alphabet de grandes formes organiques qu’il a déclinées en miroir, paravents, étagères, etc., dans sa collection Révolution indienne.
Inspirées par les paysages granitiques d’un village de son enfance, Hampi, ces formes cintrées reproduisent la symbiose du minéral saillant et d’une végétation sensuelle. Courbes et contre-courbes, qui ne sont pas sans rappeler l’Art nouveau, confèrent aux meubles une présence enveloppante. « C’est un mobilier que l’on ressent bienveillant, qui favorise le rêve… », suggère Anton Laborde. Sa marqueterie, loin du décoratif pur des panneaux traditionnels, investit ainsi l’espace intérieur, en trois dimensions.
Précieux, ses décors de jungle ont la poésie naïve des contes pour enfants ou des fables animalières. D’ailleurs, le Douanier Rousseau a profondément imprégné ses premières créations. Assemblés pièce par pièce, les éléments du placage, d’à peine un demi-millimètre d’épaisseur, sont taillés au scalpel dans des essences de bois européennes comme l’érable sycomore, après avoir été teintés dans la masse. C’est ce temps long de la teinture (deux mois !) jusqu’au cœur du bois qui donne à ses bleus et ses verts leur liquidité d’aquarelle.
« J’expérimente, je cherche… La marqueterie a besoin d’être dépoussiérée et poussée plus loin avec des méthodes d’aujourd’hui, surtout plus écologiques. J’utilise des colles naturelles et le vernis au tampon, seul capable de donner une telle lumière… » Entre tableaux fonctionnels et meubles œuvres d’art, ses pièces sculpturales et contemporaines commencent à donner des idées aux architectes, qui découvrent une marqueterie d’une dimension nouvelle.
Anton Laborde, lauréat du Prix de la Jeune Création Métiers d’Art 2022, sera exposé sur le Salon International du Patrimoine Culturel.